La notion de biens publics plonge ses racines dans celle de res publicae, qui dans le droit romain désigne les choses qui appartiennent au peuple.
Le lien est direct avec la notion de république — res publica —, la chose publique qui renvoie à l’organisation politique, au gouvernement libre des affaires de la cité. La relation est donc aussi étroite avec la notion de démocratie. Questionner la notion de biens publics nécessite de s’interroger sur le sens donné au mot « public » et la manière dont celui-ci s’articule avec les notions de gouvernement et de démocratie. L’analyse de cette articulation n’est pas aisée. Cependant, le débat sur les communs vient éclairer ce point aveugle et nous aider à en caractériser l’enjeu.
Le retour des communs indique les impasses dans lesquelles est enfermée l’approche classique des biens publics, tout particulièrement dans leur relation à l’État et nous aide ainsi à mieux qualifier la crise profonde que traverse aujourd’hui les biens publics et avec elle celle des institutions qui gouvernent nos démocraties européennes. L’un des défis que posent les communs consiste alors à explorer les voies possibles d’une reconquête démocratique des biens publics.
Nous aborderons tout d’abord la notion de biens publics en tentant d’appréhender la question sous l’angle des biens du public. Il s’agit de poser les tous premiers jalons d’une analyse historique visant à montrer comment, si la notion de public a d’abord été attachée à celle de peuple, le public est aujourd’hui dissout dans l’État; cette dissolution correspondant à une dépossession des biens du public par la personne morale que constitue désormais l’Etat, personnalité devenue propriétaire des biens publics. Cette assimilation du public à l’État est ensuite analysée en tant que régression démocratique significative inscrite dans une dérive de « l’État démocratique ». L’exemple de la privatisation des biens publics grecs est par la suite analysé et mobilisé comme l’exemple le plus avancé d’une crise des biens publics et de la dérive de l’État démocratique.
Nous finirons sur la question d’une reconquête démocratique possible des biens publics en prenant notamment appui sur l’initiative italienne pour la création d’un statut juridique des biens communs.
Fabienne Orsi est économiste, chercheure à l’Institut de Recherche pour le Développement. Son thème de recherche a longtemps concerné l’articulation entre l’établissement de nouvelles normes renforcées de propriété intellectuelle, l’organisation du commerce mondial ainsi que la problématique de l’accès à la connaissance et aux innovations dans les domaines du vivant et du médicament. Depuis 2010, elle est engagée dans une recherche pluridisciplinaire sur les communs avec comme principal questionnement la manière dont la résurgence du thème des communs vient réinterroger le concept de propriété.