Hier sujet d’experts, les communs sont devenus un mot passe partout de la « transition » écologique et solidaire, désignant pêle-mêle des jardins partagés, des logiciels libres, des encyclopédies en ligne, des mutuelles de travail, des plateformes numériques, des circuits courts… Préciser ce qui en relève, apprendre à distinguer communs, biens communs, biens publics mondiaux, est indispensable à la pérennité de l’action. La Coop des Communs s’attache à faire comprendre de quoi on parle quand on utilise le terme de communs et quels sont les facteurs favorisant des communs de solidarité, servant l’intérêt général, la solidarité, en même temps que l’émancipation des personnes.



Les communs sont essentiels à l’équilibre de notre vie en société et à sa capacité d’évoluer en paix. 
Depuis le Moyen-Age, la gestion des communs a été essentielle dans l’équilibre de nombreuses communautés. Si son repli a été spectaculaire au XXème siècle, le concept ayant été recouvert et les pratiques effacées depuis la Révolution française, des exemples de gestion des communs ont perduré jusqu’à maintenant, notamment via l’économie sociale et solidaire, avec les mutuelles, les associations de solidarité ou les systèmes coopératifs héritiers des communautés historiques.



Les communs ne sont pas des palliatifs des limites du capitalisme et de l’Etat providence. Ils ne sont pas non plus en eux-mêmes porteurs de démocratie et de justice sociale. Mais ils sont les ferments et instruments d’une citoyenneté refondée, rendus d’autant plus nécessaires par la transition écologique et solidaire à réaliser. Ils sont indispensables à l’équilibre de notre vie en société, au moins à l’égal des autres de formes de coordination (marché, Etat). Il faut contribuer à en clarifier les conditions de faisabilité.



Les acteurs et les chercheurs font le constat de la nécessité de refonder une approche pluridisciplinaire dédiée pour les communs, une 3ème voie qui ne dépend ni de l’action publique ni privée stricto sensu.


Partout dans le monde s’inventent et se réinventent des formes d’action directe pour créer, préserver, ou accéder à des biens et des services en « communs ». Dans un contexte de perte de confiance dans les institutions, y compris la démocratie représentative, de l’explosion des inégalités, de replis identitaires, de montée des extrémismes et d’individualismes, de tendances libertariennes favorables aux solutions « tout marché », des individus regroupés montrent leurs capabilités à prendre en charge et décider collectivement de ce qui relève du collectif.



La raison d’être de La Coop des communs est de permettre l’émergence et le renforcement des initiatives et courants qui relèvent de cette dynamique des communs, grâce au soutien de la longue et complexe expérience de l’économie sociale et solidaire, dans l’espoir de favoriser la pérennisation du modèle d’organisation sociale, économique et culturelle qu’ils représentent ensemble.



Ceci se fait par l’entretien d’une communauté de personnes, décloisonnée, travaillant aux inter-relations entre acteurs et entre acteurs et outils, et de projets et programmes d’action-recherche associant praticiens et chercheurs.



Pour renforcer la capacité des communs à « faire système », l’association œuvre via trois registres d’actions, dans un cadre français nourri de nombreux échanges à l’international.

Les communs ? Une définition adaptée aux différents registres de l'action collective, par une "approche par les communs"

L’association oeuvre à clarifier les valeurs et les principes qui fondent les communs, de manière à conjurer des réappropriations qui pourraient les détourner de leur sens. Elle contribue par là-même à revivifier des organisations de l’économie sociale et solidaire dont les spécificités se sont émoussées pour des raisons qui sont autant d’écueils à surmonter pour les communs. Elle cherche aussi à mobiliser les ressources de l’ESS.


L’histoire des communs remonte aux origines de l’humanité : ils désignent une gestion collective de ressources communes. Un point de bascule important a lieu en Angleterre au XVIIème siècle, où les communs ont disparu au profit d’une gestion captatrice de la propriété. Au Moyen Âge, en effet, les terres, qu’on appelait les communaux, pouvaient être ouvertes aux récoltes de tous : n’importe qui pouvait aller ramasser du bois de chauffage et des champignons, les paysans pouvaient y laisser paître leurs moutons, etc. Le mouvement des enclosures, qui consistait pour les propriétaires fonciers à fermer l’accès aux terres, va peu à peu provoquer la fin de ces communs et jeter dans la misère une grande partie de la population rurale. Toutefois, la création de communs va toujours de pair avec des tentatives de nouvelles enclosures, les ressources partagées faisant l’objet de prédations de la part de certains pour en avoir la propriété exclusive. C’est particulièrement le cas aujourd’hui concernant le numérique (question des licences) ou encore les ressources naturelles (brevetabilité du vivant). Le mouvement des communs cherche à conjurer, par des règles et des modalités de gestion collective, le mouvement des enclosures.


La notion de communs resurgit en 1968, à l’occasion de la publication du sociobiologiste Garett Hardin, dans un article intitulé « La tragédie des communs ». Considérant à partir d’un schéma abstrait (notamment à partir d’une théorie des jeux) des pâturages communs où des bergers cherchent à nourrir individuellement le plus grand nombre d’animaux, réduisant ainsi considérablement la quantité d’herbes disponible, il concluait que le libre usage des communs conduit à la ruine de tous. Le mérite d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie (2009), est d’avoir montré dans ses recherches que cette conception des communs reposait sur une vision abstraite ayant peu à voir avec les communs réels. Les communs sont liés à des communautés, et donc à des valeurs et à des règles collectives, grâce auxquelles les individus communiquent et négocient dans une perspective qui ne se réduit pas à leurs intérêts immédiats.


Le principe de commun a une teneur essentiellement politique dans la mesure où il suppose la capacité naturelle des individus à délibérer et décider collectivement de ce qui est juste. C’est la participation à l’activité commune qui fonde l’obligation. Les choses sont rendues communes par cette activité (rien n’est commun en soi). Le commun est une institution vouée à perdurer par l’élaboration continue de règles et de pratiques, prenant en charge les conflits et les décisions en vertu d’un principe d’autogouvernement. Il prévaut aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère sociale, subordonnant ainsi toute velléité d’abus de pouvoir (économique ou politique) à des limites. Enfin le commun détermine ce qui est inappropriable et est réservé à l’usage commun.

A la suite des travaux de Elinor Ostrom, les communs peuvent ainsi se définir par la combinaison de trois facteurs :

  1. une ressource en accès partagé ou une incomplétude à combler ou une solution collective à trouver à un problème ;
  2. un système de droits et d’obligations – un faisceau de droits – pour l’accès à la ressource ;
  3. des règles de contrôle et de gestion des conflits -système de gouvernance- pour gérer les ressources quand elles les jugent importantes mais fragilisées, menacées, ou peu développées et lorsqu’elles pensent que, pour en préserver l’accès, une gestion en communs est plus efficace que des solutions par le marché ou la gestion publique.

Parallèlement au développement d’un capitalisme financier et de l’extension du marché à tous les domaines de la vie, induisant un recul de la protection sociale et des services publics en général, des formes de coopération émergent en marge des systèmes classiques privilégiant soit le marché soit l’Etat comme vecteurs principaux du lien social. Ces formes de coopération, qui ont connu une existence pratique avant de connaître leur formulation théorique, s’inscrivent dans le mouvement des communs, qui connaît aujourd’hui un essor grandissant malgré les obstacles économiques et institutionnels.