Analyse par Jean-Claude Barbier et Henry Noguès.

Membres du groupe de recherche collaborative « Protection sociale, ESS et communs », qui a publié le texte « Réformer la protection sociale pour l’améliorer, dans le sens d’un droit commun « , nous saisissons l’occasion offerte par la publication du bulletin de La Coop des Communs pour faire un nouveau point d’étape sur la protection sociale en France.

Au printemps 2019, en plein milieu de la première phase des réformes de la protection sociale du nouveau gouvernement, une partie d’entre nous se sont réunis pour s’interroger sur la pertinence de ce que le groupe avait écrit au cours de la période 2016-2018. À cette époque, le gouvernement venait d’édicter une réforme de l’assurance chômage qui affaiblissait sérieusement la protection des chômeurs et des salariés précaires. L’accomplissement de ce qu’il faut bien considérer comme un mauvais coup contre l’assurance sociale et contre la protection sociale française a été mis en œuvre. À l’heure où ces lignes sont écrites, en décembre 2019, un grand mouvement social s’est levé contre la réforme des retraites, que tous en France considèrent comme la « mère des réformes ».

  1. Nous disions dans notre texte de 2018 que la protection sociale ne doit pas être considérée comme : « une accumulation hasardeuse de « programmes » conçus pour satisfaire des « fonctions » abstraites, et que sa réforme suppose une vision d’ensemble. La complexité, l’importance économique et l’insertion intime de la protection sociale dans la vie de tous les individus, des ménages (quel que soit le type de ménage/famille), de leurs parcours de vie, dans leur environnement social de protection en font une institution indispensable de droit commun pour l’avenir. Même si elle s’est construite par l’accumulation de segments catégoriels multiples, elle reste le cadre pertinent permettant d’intégrer en son sein de nouveaux statuts d’activité/emplois (notamment les statuts d’indépendants, qui comprennent des artisans, des indépendants, des auto-entrepreneurs, etc..), qui émergent à côté des formes traditionnelles d’emploi. La réforme de la protection sociale doit viser à intégrer au fur et à mesure tous ces « statuts » d’activité plutôt que d’organiser en « silos » de nouvelles formes de protection adaptées à ces statuts. Elle doit, plus généralement encore, être réformée pour faire face à ce qu’on peut appeler de « nouveaux risques », lesquels étaient peu présents aux origines de la protection sociale (chômage dans le cadre de l’instabilité de l’emploi et de l’activité ; nouvelles formes familiales de vie…).

    Cette analyse reste pertinente et le mouvement social enclenché en décembre 2019 manifeste clairement que les citoyens, les salariés, les résidents vivant en France considèrent que la retraite est une des pièces maîtresses de leur « propriété commune ». Ces citoyens savent aussi pertinemment qu’il faut réformer, constamment, leur protection sociale, pour l’adapter au nouveau contexte, en garantir la pérennité et en renforcer le caractère solidaire.

  2. Nous pouvons également répéter ce que nous disions en septembre 2018, à savoir que la protection sociale devrait, dans l’idéal, être revue et réformée au regard de « l’approche politique des communs ». Cela voulait dire, pour nous, notamment, augmenter la participation de tous ses bénéficiaires au gouvernement et à la gestion de la protection sociale, éradiquer le non-recours, promouvoir comme partie intégrée de la protection sociale l’hospitalité avec ses conséquences en matière d’asile, de refuge et de droits de l’homme ; étendre le périmètre de la protection sociale à de nouveaux domaines ; continuer de mettre le travail et l’emploi au cœur du système.

  3. Dès lors que ces réformes progressistes et intégratrices seraient engagées, nous avions confiance dans la capacité du salariat de continuer de constituer, pour l’avenir, une institution centrale de la protection sociale. Le rôle de l’assurance sociale, le rôle de la retraite en répartition (et non pas la réforme vers la capitalisation) nous semblaient des éléments essentiels. Les débats actuels, et les débats dans la rue ne remettent pas en cause ces convictions.

  4. Enfin, notre texte prenait une position claire, contre une orientation visant à transformer la protection sociale en « un filet de sécurité ». Au contraire, écrivions-nous dans le texte, entre « une focalisation de type « filet de sécurité » pour les plus pauvres et un accès universel à des prestations de haut niveau pour tous les citoyens », il fallait choisir le second terme. Ce débat est clairement posé dans notre pays aujourd’hui, alors que le président Macron, dans son discours du 13 septembre (à propos de la stratégie contre la pauvreté), a marqué son option en faveur d’un « filet de sécurité ».

Bien sûr, le texte avançait beaucoup d’autres choses, mais le cœur de notre contribution, qui promeut une conception de droit commun (pour tous, c’est cela le contenu concret de l’universalisme) est toujours parfaitement recevable.  C’est pourquoi nous invitons les membres de La Coop des Communs, en s’inspirant de ce texte, à poursuivre et à enrichir leur réflexion en commun pour avancer vers une protection de haut niveau universellement partagée.

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