Manifeste de Plateformes en Communs
L’émergence des premières plateformes collaboratives et d’une économie du partage a suscité un formidable espoir de renouveau social et économique. L’utilisation nouvelle des technologies de réseau, accessibles à tout moment, permet la création d’organisations horizontales permettant l’échange et la production directs entre individus et sans intermédiaire. Les communautés peuvent s’organiser et inventer de nouveaux rapports au travail, développer l’usage plutôt que la possession, améliorer le cycle de vie des objets, inventer de nouveaux modes de consommation et de financement, intégrer une véritable approche écologique dans ses nouvelles pratiques… Aujourd’hui, force est de constater que les acteurs dominants parmi les plateformes sont éloignés de ses principes. Les plateformes de services fixent les revenus et les conditions de travail, et l’actualité nous montre les fortes tensions que cela peut engendrer. Les villes assistent à des transformations de logements et des évolutions de loyers défavorisant leurs citoyens. Et parmi les sites d’échanges, les plateformes reconstituent une intermédiation prélevant une part de la valeur créée par les communautés sans posséder le moindre des actifs échangés.
Pour l’Économie Sociale et Solidaire, la révolution digitale constitue également un nouvel horizon, dont il faut anticiper les conséquences et exploiter l’ensemble des nouvelles possibilités. Ce changement social et technologique majeur peut permettre un approfondissement des pratiques de l’ESS, tout en portant à un niveau supplémentaire son projet de transformation sociale. De nouvelles pratiques émergentes sont sources d’inspiration et amènent à réfléchir à des hybridations de modèles, les innovations organisationnelles et juridiques des communautés de logiciels libres ; les nouvelles formes de développement des territoires autour de la production des communs ; le développement des plateformes collaboratives permettant la constitution de communautés d’échanges ou de production… Comment se saisir de ces nouvelles possibilités ? Quelle nouvelle gouvernance démocratique permise par les réseaux ? Quel nouveau partage de la valeur entre parties- prenantes dans une économie numérique au coût marginal nul ? Quelles nouvelles facilités pour l’intégration de l’ensemble des parties-prenantes dans un projet commun ?
L’économie des plateformes peut être plurielle et diversifiée. A côté des plateformes capitalistiques, de nouvelles plateformes émergent, plus inclusives, ouvrant leur gouvernance à leur communauté, favorisant des démarches ouvertes et transparentes, recherchant un partage équitable de la valeur créée entre l’ensemble des parties – prenantes… Cette démarche de pluralité de l’économie n’est pas nouvelle. Elle est portée depuis des années par les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) dans des domaines extrêmement variés et ne demande qu’à être étendue à la révolution digitale. Quelles inspirations des statuts de l’ESS pour intégrer l’ensemble des parties-prenantes dans un même projet (de la SCIC à l’association) ? Quel renouveau possible des relations de travail par la coopération entre freelancers (CAE) ? Comment faire primer l’intérêt de la communauté et du projet sur la recherche du gain financier ? Il n’existe pas de fatalité à ce que l’économie de plateforme ne voit que l’émergence d’acteurs précarisant le salariat ou s’enrichissant sur la production gratuite ou mal rémunérée d’une communauté. Plateformes en Communs réalise une convergence et une alliance entre les acteurs, les pratiques et les valeurs de l’ESS et des plateformes collaboratives pour être source d’un nouvel empowerment des communautés et de développement de nouvelles structures de l’ESS porteuses des pratiques et valeurs permises par de nouvelles possibilités sociales et technologiques.